“- OK James, tu peux me donner un son plus chaud ? Et plus clair aussi. Pas trop fin, je veux du lourd ! Un son bien gras quoi !
– Alright, Kirk ! Mmmh dah !”
C’est amusant de voir que le jargon musical est composé de termes si éloignés du champ lexical du son. Et même lorsqu’on parle de “couleurs sonores”, on passe par d’autres sensations. Tout ça c’est très métaphorique et forcément bien confus, même entre musiciens. Comment s’y retrouver ?
La couleur des sons démystifiée
Exemple audio
Pour comprendre un peu tout ça, prenons un bel extrait de Hide and Seek de Imogen Heap, joué par Antoine Dufour et sa version guitare acoustique très bien fichue. Cet extrait nous servira d’exemple tout au long de cet article.
Évidemment, les valeurs que j’ai utilisé ici ne sont que des valeurs types à modifier. Il faut bien sûr tâtonner pour trouver le bon son !
Chaud / Warm
Vous dire qu’un son chaud c’est un son avec plus de rondeur ne fera pas avancer le schmilblick. J’ai ajouté des graphiques, exagérés pour l’exemple. Celui ci-contre monte d’environ 7 dB à 160 Hz. On peut ainsi s’approcher d’un son plus chaleureux. Les ingénieurs puristes nous diront que les amplificateurs à lampes réputés pour leur chaleur sont plus complexes que ça et remontent notamment les partiels impairs des notes. Pour les guitaristes, c’est ce qu’il se passe quand vos lampes sont chaudes. Mais si vous n’avez pas d’ampli à lampes, c’est une simple technique utile à connaître ! Des instruments bas comme le didgeridoo ou la contrebasse sont naturellement chaleureux.
Fin / Thin
Sur l’exemple, -7 dB à 160 Hz. Le son fin, c’est l’inverse du son chaud : peu ou pas de basses. Il est du coup moins ample. C’est-à-dire qu’en affinant un son on lui donne l’impression d’être plus petit. A l’inverse, l’orgue prend tout l’espace sonore des aigus aux graves, on a du coup l’impression de grandeur. En baissant (voire supprimant) les basses, le son gagne en distance. Un son fin n’est pas forcément clair/brillant. Je pourrais vous citer le piccolo ou le célesta qui ont un son naturellement fin sans être brillant.
Fort / Loud
+7dB à ~2 kHz ! Il faut considérer “fort” dans le sens de la puissance perçue. Et non en puissance pure (Watt) : ce n’est donc pas simplement en montant le volume que le timbre du son gagne plus de force. On s’attaque ici aux fréquences les plus sensibles de l’oreille, c’est-à-dire entre 2 kHz et 5 kHz. Dans cette zone, un chouia de décibels en plus donne rapidement l’impression d’une plus grande énergie et de présence. Le trombone a un son fort, c’est également dû à ses nombreuses harmoniques. D’autres techniques peuvent donner l’impression de puissance autrement, en jouant avec les extrêmes basses (subs) par exemple.
Doux / Smooth
-7dB à 2 kHz. Si à l’écoute le son doux ressemble au son chaud, avec les graphiques on se rend tout de suite compte de la différence. Le son chaud est plus volumineux que le son doux. En fait, le son doux chouchoute les fréquences sensibles d’où cette sensation de délicatesse. Le vibraphone est un instrument à son doux, mais avec des baguettes plus dures, il obtient un son clair.
Clair / Bright
Ci-contre +7dB à 5 kHz. Le son clair est aussi appelé brillant (une autre traduction de bright, en fait). Vous sentez la différence entre le son fort et le son clair ? Le son clair est plus aéré, plus… brillant. A l’écoute on ressent ça par des aigus qui tapent moins l’oreille et qui sont situés plus hauts en fréquence. Les instruments riches en harmoniques ont généralement un son clair. Le carillon tubulaire et le koto en sont de bons exemples. La trompette a un son clair et fort à la fois.
Mat / Dull
Et -7dB à 5 kHz. A l’écoute, l’instrument dont on retire les harmoniques devient mat, plus effacé. Le son est plus pauvre en harmoniques et semble plus retenu. En fait, de manière générale, un son gagne en brillance lorsque l’on joue forte et devient plus mat lorsque l’on joue piano. Le kalimba en plus d’être mat est fin, ceci dû à sa matière et sa taille. Sur cet exemple, le buzz rajoute de la clarté à l’instrument et, ma foi, ce n’est pas désagréable !
La couleur des bruits, leur usage et leur intérêt
Blanc
Le bruit blanc est un son particulier qui contient toutes les fréquences à la même intensité. Toutes ? Non en fait, on ne considère que les fréquences audibles (de 20Hz à 20kHz), les autres n’étant pas vraiment utiles. Ce bruit ressemble à celui d’un souffle ou d’une cascade.
On l’utilise comme outil de mesure pour connaître la réponse en fréquence d’appareils comme des micros, des enceintes, des studios. C’est aussi un équivalent du bloc de marbre brut, puisqu’il contient toutes les fréquences à niveaux égal. Ça en fait le matériau idéal pour tailler dedans et sculpter le son en synthèse soustractive. Utilisé en fond sonore, il est également réputé pour apaiser. Sans doute parce qu’il réduit drastiquement le rapport signal/bruit. Des études semblent démontrer son efficacité.
Rose
Ce bruit est couramment utilisé pour calibrer les systèmes de diffusion. Calibrer, c’est faire en sorte que vos enceintes sonnent de manière homogène. Je n’approfondis pas, ce n’est pas le sujet. Sachez en tout cas que c’est un bon compromis entre le bruit gris et le bruit blanc parce qu’il n’use pas les enceintes et correspond pas trop mal à notre écoute. Les basses ont un niveau plus important. Sa caractéristique : l’intensité sonore décroit de 3 dB par octave.
Gris
C’est en fait un bruit rose que l’on a arrangé pour qu’il nous donne l’impression d’un volume égal à toutes les fréquences. Le bruit gris est utilisé dans des applications médicales pour traiter l’hyperacousie ou pour masquer les acouphènes. Cette particularité est suffisamment intéressante pour qu’il soit notifié ici.
Les autres
Il existe toutes sortes de couleurs de bruits. Le rouge/marron, par exemple, qui suit le mouvement brownien, un mouvement mathématique aléatoire ; ou le vert qui ne ressort que les medium et ressemble à la réponse en fréquences de la voix, utile dans certains cas.
Si vous avez une installation à tester, je vous recommande ce site (en anglais). Vous pouvez aussi écouter et télécharger ces différents bruits colorés ici :
- Bruit blanc
- Bruit blanc gaussien
- Bruit rose
- Bruit-gris
- Bruit brownien
- Bruit bleu
- Bruit violet
- Note marron (cadeau pour les petits malins. Si vous ne l’entendez pas, c’est normal, elle fait 7 Hz)
Et au fait, quelle est la différence entre un bruit et un son ?
Rigoureusement, un son est n’importe quel événement physique de vibrations mécaniques dans un milieu donné, perçu ou pas. C’est une onde quoi ! Un bruit est en fait un son jugé indésirable. Tout simplement. Finalement, les bruits colorés nous sont utiles et ne sont pas indésirables lorsqu’ils nous permettent de calibrer nos machines. Un bruit de fond par contre, c’est un véritable calvaire ! On trouve heureusement plein d’artistes capables de nous prouver l’inverse avec un contre-exemple. Ainsi, Ez3kiel adore utiliser les bruits, bugs et parasites comme éléments musicaux.
Wikipédia nous propose un exemple très clair :
“Une personne écoute de la musique : les cris d’un bébé dans la pièce voisine sont du bruit. Il augmente le niveau de la musique.
Les parents de l’enfant sont dans la cuisine : la musique du voisin est un bruit qui les empêche d’entendre la voix de l’enfant dans l’autre pièce et de savoir s’il s’amuse ou s’il pleure.”
Dans cet article, je vous ai présenté les termes les plus courants. Il y en une infinité. J’espère que ça vous éclaircira un peu plus !