Y a-t-il un lien entre Musique et Architecture ? Quel rôle tient la mémoire de ton auditeur dans le déroulement de ta musique ? Comment rendre ta composition plus cohérente ?

Vidéo sur le (work)flow

Transcription de la vidéo

Pourquoi et comment bien jouer sur la structure de sa musique pour l’améliorer et la rendre plus cohérente ?

Salut YouTube, salut Facebook ! J’espère que tu vas bien.

Ici, je suis encore à la plage et ça se passe merveilleusement bien. Je te montre autour de moi. Franchement, ici c’est parfait, et j’ai une petite question à te poser :

A ton avis, est-ce qu’il y a un lien entre l’architecture et la musique, et quel rôle tient la mémoire de ton auditeur dans le déroulement d’une musique, bref comment rendre ta composition plus cohérente ?

Je vais me poser à un autre endroit, puisque là la caméra est un peu lourde et je crois qu’il y a un peu de bruits pour toi, donc, on va se poser ailleurs.

Donc, pour répondre à ces questions je vais peut-être me poser une question qui je pense est primordiale :

Au fond, qu’est-ce que la structure musicale ?

Alors, j’ai trouvé une définition que Wikipédia a sortie, a priori c’est :

l’agencement formel, l’organisation et l’exploitation de différentes cellules musicales – de nature rythmique, mélodique et harmonique – en vue de constituer l’architecture d’une œuvre.

Alors, moi, ça m’intéressait cette définition parce que finalement je vais me demander ce que c’était l’architecture d’une œuvre. Et voilà la réponse que j’ai pu trouvée, selon Wikipédia :

l’architecture c’est l’art majeur de concevoir des espaces et de bâtir des édifices en respectant des règles de construction empiriques ou scientifiques, ainsi que des concepts esthétiques, classiques ou nouveaux, de forme et d’agencement d’espace, en y incluant les aspects sociaux et environnementaux liés à la fonction de l’édifice et à son intégration dans son environnement, quelle que soit cette fonction.

Alors, a priori ça concerne exclusivement que l’architecture, mais si je reprends cette définition et que je la transpose sur l’architecture d’une structure musicale finalement, voilà ce que ça donne :

la structure c’est l’art majeur de concevoir ce qu’on pourrait appeler “un espace-temps sonore“, dans lequel évolue une succession ou une superposition d’éléments musicaux dans le temps, tout en respectant des règles de construction empiriques ou scientifiques, ainsi que des concepts esthétiques…

C’est-à-dire les genres et les styles musicaux,

… classiques ou nouveaux, et en respectant également des règles de forme et d’agencement pour cet espace-sonore en quelque sorte.

En y incluant donc les aspects sociaux liés à la forme de l’œuvre musicale, si elle présente une fonction, parce que ce n’est pas forcément le cas dans toutes les compositions musicales.

Par exemple, des fonctions de musique ça peut être :

  • un jingle,
  • un logo sonore,
  • un EST,
  • un Hit populaire,
  • une comédie musicale,
  • une marche funèbre,
  • une hymne nationale,

voilà, tout un tas de fonctions que peut prendre la composition musicale.

Donc, là où je voulais faire la différence c’est que l’architecture construit un espace, il façonne et agence la sensation de temps.

Le compositeur est en quelque sorte l’architecte du temps, il façonne et agence la sensation du temps. Il est capable de créer une attente, une sensation de suspension du temps, ou même une sensation d’urgence.

Donc, en fait pour procurer ces sensations, la mémoire joue un rôle particulièrement important chez l’auditeur. Elle nous permet en fait, cette mémoire, de connecter les éléments musicaux entre eux, sans pour autant qu’il y ait une juxtaposition directe dans le temps, donc que ces éléments soient éloignés dans la compo.

Et en fait c’est pour cette raison que les compositeurs créent des rappels thématiques. Donc en fait au final, c’est particulièrement important de créer de la répétition dans ta musique, c’est particulièrement important de rappeler les éléments musicaux qui étaient précédemment joués dans ta compo parce qu’au final c’est ce qui va donner plus de cohérence, c’est ce qui va donner plus d’intelligibilité à ta musique.

Donc du coup, voilà j’ai écrit :

Ainsi, ton auditeur se rassure dans l’apprentissage de la musique grâce à l’exposition, à la réexposition, la transformation, le développement, la complexification des motifs musicaux que tu utilises.

Et du coup ton auditeur appréciera pleinement la forme de ton œuvre comme étant une œuvre structurée, globalement finie avec un début et une fin, et qui constitue en fait une entité en elle-même.

Voilà, je vais donner un exemple…

Alors, maintenant imagine le plan d’une cathédrale gothique. Finalement, dans ces cathédrales on y retrouve les mêmes éléments que dans toutes les autres cathédrales gothiques, c’est-à-dire une nef, un transept, un cœur, des bas-côtés, des tribunes, un déambulatoire, etc. Bref, une cathédrale, même si c’est un édifice unique, elle va être constituée de certaines pièces, de certains éléments, qui sont récurrents dans toutes les cathédrales. Et malgré le fait qu’on puisse trouver des tonnes de cathédrales gothiques différentes les unes des autres, finalement elles ont toutes un plan similaire en forme de croix latine, et elles ont une structure finalement commune.

Et pourtant ce n’est pas une raison suffisante pour dire que l’architecte il n’a pas été inspiré, qu’il a plagié l’architecture d’une autre cathédrale, ou bien ce n’est pas une raison suffisante pour dire que ce sont des constructions qui ne leur sont pas personnelles, mais alors pas du tout, moi je ne trouve pas.

Parler de plagiat quand il s’agit de faire une musique dans le style de, ce n’est pas forcément un plagiat, ça dépend vraiment à quel point tu copies.

Et en musique on va aussi retrouver ces mêmes codes structurels.

Par exemple, pour la forme sonate, une forme très codée et très structurée, tu vas voir que finalement ça a une forme assez rigide. On voit qu’une sonate est constituée principalement de 3 mouvements, avec :

  • une exposition au ton principal qui se dirigera vers un ton voisin,
  • suivi par un développement avec un jeu sur des tons éloignés, des modulations, et enfin
  • un troisième mouvement: la réexposition, qui est dans le ton principal.

Donc finalement, structurer sa sonate de cette manière-là, on aura l’impression d’avoir déjà entendu ça, mais finalement c’est simplement la forme de cette musique qui fait que, on aura déjà entendu. Et ce n’est pas pour autant du plagiat, c’est simplement une recette, disons-le clairement, c’est une recette. Une pizza, ça a une forme, ça a certains ingrédients qui sont de base et finalement les recettes vont être différentes mais la forme sera la même. Eh bien là, c’est exactement la même chose, ce n’est pas pour autant que si quelqu’un fait une pizza il va plagier la personne qui a créé la première pizza; ce serait complètement stupide de dire ça.

Et même en musique Rock qui est un style de musique beaucoup moins rigide, on retrouve certains codes, certaines parties qui sont récurrentes dans la quasi-totalité des musiques Rock. Alors là je pense typiquement à l’introduction, à l’outro, couplet, refrain, solo, break, c’est pareil en EDM.

Si tu regardes, on va trouver un intro, une grande montée, un build up d’une certaine tension, on va retrouver un drop, un break. Donc, bien sûr rien n’est figé, et de la même manière qu’une architecture sera sensiblement différente d’une autre, selon le type et l’époque, chaque genre et chaque structure musicale peut emprunter à d’autres styles. On trouve, par exemple, beaucoup de drop dans le métal d’aujourd’hui, pour les chevelus c’est mieux connu sous le nom de break-down.

Je vais vous donner un exemple sonore très concret, vous allez comprendre tout de suite ce que ça donne.

“Musique – Gojira, l’Enfant Sauvage”

Alors ça, ça peut être comparé à un drop en musique électronique, finalement c’est un relâchement de l’attention, c’est le climax de l’intensité de la compo, et c’est un nom différent mais finalement c’est la même chose.

Donc, comment toi tu peux rendre ta musique cohérente ?

Alors le premier objectif c’est de rendre ces compos intelligibles ; c’est-à-dire qu’il y a un équilibre à trouver entre l’apparition de nouveaux éléments musicaux et la répétition d’anciens éléments musicaux. Il s’agit de ne pas perdre l’auditeur, sans pour autant l’ennuyer.

Alors là, si tu me suis depuis un certain temps, ça devrait te rappeler quelque chose de m’entendre dire ça.

Donc, tu peux voir dans cette vidéo, qui sera affichée juste ici, que j’en avais déjà parlé, et pour moi c’est en fait l’expérience optimale, c’est le flow. J’avais parlé du flow dans ton travail en tant que compositeur. Eh bien, là, c’est un peu pareil, c’est même exactement pareil, il s’agit de procurer une sensation de flow à ton auditeur, lui faire profiter de ce qui pourrait être une expérience optimale.

Également tu peux, par exemple, penser ta musique comme un édifice, comme une architecture, c’est-à-dire une espèce de squelette généra :

  • tu construis ta musique en commençant d’abord à placer toutes les parties à peu près là où elles vont être, tu fais le squelette général,
  • que tu ornementes par des petits motifs, par des transitions savantes qui vont te permettre de relier toutes ces pièces, toutes ces parties musicales.

Et finalement, tu construis ta musique comme ça, non pas forcément en la composant partie par partie chronologiquement, mais vraiment en la structurant, en faisant un plan limite sur papier, en créant vraiment une architecture, finalement.

Alors, évidemment, une fois que tu as assimilé la raison d’être d’une certaine structure, à toi de jouer avec les codes de cette structure pour t’en éloigner. Mais ça reste indispensable selon moi de s’en détacher et ne pas simplement ignorer les codes structurels.

Comme dirait LinksTheSun dans Points Culture :

Et les créatifs qui regardent cette vidéo savent que le véritable artiste apprend les règles, maîtrise les règles, et brise les règles.

dans cet ordre. Non parce que si tu te contentes de briser les règles…

Voilà, alors évidemment, ce n’est pas forcément extrêmement nouveau ce que je raconte, et les compositeurs aguerris savent de quoi je parle, et vont retrouver pas mal de choses qu’ils vont considérer basiques. Mais finalement, c’est une réflexion qu’on se fait trop peu, et structurer sa musique comme pourrait l’être une structure d’une cathédrale, c’est un exercice qui peut être très enrichissant pour le compositeur amateur, et finalement moi c’est ce que je te recommande.

Écoute, j’espère que tu as aimé cette vidéo.

Nous, on va se retrouver jeudi matin à 7 heures pour une nouvelle vidéo. Si ça t’a plu tu peux t’abonner, tu peux mettre un petit pouce en l’air, et nous on se retrouve dans la prochaine vidéo.

Tchao ! Bye, à la prochaine !