Aujourd’hui j’ai le plaisir de vous présenter Hicham Chahidi, un homologue compositeur belge, qui nous partage son expérience professionnelle dans la musique à l’image.

Dans cette interview, on va parler entre autres de :

  • la place que prend internet pour décrocher des contrats
  • quels canaux pour contacter des sociétés
  • l’importance de ne pas juger ses ébauches de composition trop tôt
  • comment les clients non-musiciens perçoivent leur future musique dans leur production
  • comment communiquer votre intention à ces clients non-musiciens et éviter l’impasse
  • des compétences que l’on doit développer pour exceller dans ce métier
  • des gros avantages de travailler sur ordi

Voici donc l’interview sans plus attendre. Merci Hicham pour cette intéressante discussion !

Quel est ton parcours en tant que musicien ?

compositeur

Je n’ai pas eu la chance du parcours académique, je suis un musicien autodidacte, mon cheminement musical a commencé par la guitare (dans les années 80, et à l’époque j’habitais au Maroc). J’ai appris sur le tas, en observant quelques musiciens, et en essayant de déchiffrer les grilles d’accords des chansons que j’aimais (Elvis Presley, les Beatles, Chris De Burg,…)

Début des années 90, je suis arrivé en Belgique, et j’ai eu l’opportunité d’avoir un synthétiseur, et de jouer sur un piano qui se trouvait à l’ULB, là où j’avais commencé des études d’ingénieur civil.

Le piano m’a directement séduit, et j’ai commencé assez tôt à créer mes premières compositions.

Tu as déjà bossé pour TF1, Citroën, Porsche, RTL, France Culture (et j’en passe et non des moindres). Peux-tu nous expliquer comment tu as réussi à te faire connaître et décrocher des contrat avec ces boites ?

Ceci a été possible grâce à la magie d’internet. Pour les télévisions que tu as cité, le contact s’est fait avec des sociétés de production qui fournissent du contenu audiovisuel à ces chaînes. En ce qui concerne Porsche, Citroën, le contact s’est fait via les société de communication ou de production qui sont chargées de produire leurs spots publicitaires. Dans les deux cas le contact a été fait via Internet. Un jour j’ai reçu un e-mail avec une demande d’utilisation. Aujourd’hui les directeurs artistiques surfent sur le net pour trouver la musique de leur prochain film, ils vont sur des plate-formes comme Youtube, Soundcloud, etc. et passent de moins en moins par les maisons de disques.

Il y a une dizaine d’années, la majorité de mes contrats étaient pour la composition de musique sur mesure, aujourd’hui, la plupart du temps, je produit mes musiques sans commande particulière et je vends des droits d’exploitation..

Quelle est ta méthode pour composer alors que tu as des deadlines et des clients (publicitaires, réalisateurs) ? Quel est le processus de création musicale étape par étape?

 Je n’ai pas de méthode autre que de me mettre au piano et de faire un premier choix, celui-ci peut être le style musical, l’instrument, le tempo, ou tout autre paramètre. Une fois que ce choix est fait, je crée autant de pistes que d’instruments dans le projet du logiciel MAO que j’utilise. Pour ne pas tourner en rond, j’essaie d’éviter le plus gros piège à mon sens, qui est celui de juger mon travail pendant le processus de composition. Pour moi, c’est le moment où j’ai besoin d’être sur le mode “intuition” et de me débarrasser de tout ce que je connais, tout ce que j’ai déjà fait.. c’est en quelque sorte, dans le meilleur des cas, une plongée dans l’inconnu.

Ceci pour la création sur un plan fondamental, mais bien sur chaque compositeur a ses petites habitudes, ses petits outils pour faire ce voyage. Pour ma part cela dépend principalement du style musical que j’aborde. Quand je compose une musique électronique, je vais très souvent commencer par la création d’un son ou d’un groove. La mélodie est en général crée en même temps. Une fois que j’ai un thème qui me fait danser (intérieurement), je sais que j’ai quelque chose d’intéressant, et je commence alors à exploiter ce son ou ce rythme… Quand la composition est une musique orchestrale ou au piano, je commence toujours par l’improvisation, soit une ligne mélodique, soit une suite d’accords et d’harmonies.. Dans tous les cas je trouve intéressant de laisser le jugement et l’appréciation pour plus tard, un ou deux jours suffisent en général.

Et puis il y a l’inspiration, ce moment magique, hors du temps, où on se découvre, et où l’on découvre que nos limites sont bien plus larges que ce qu’on pensait…

Selon toi quels sont les points-clefs dans ce processus auxquels tu dois particulièrement prêter attention et qui feront toute la différence quant à la qualité de la composition livrée ?

 Quand on est compositeur et producteur, dans le sens qu’on est responsable de la réalisation de l’enregistrement final, il est impératif d’avoir de bonnes connaissances dans le domaine de l’enregistrement et du mixage audio, en plus des connaissances spécifiques à la composition musical dans le style musical abordé. Comprendre ce que c’est une plage de fréquences, bien utiliser une réverbération ou un écho, savoir mixer plusieurs instruments sans qu’aucun ne soit masqué par un autre, est un minimum de connaissances à acquérir.

La plupart du temps, nos clients ne sont pas musiciens, ils ont une vague idée sur la musique qu’ils souhaitent, mais ont une idée précise sur l’effet que son écoute doit provoquer. Ils perçoivent la musique comme un magma sonore qui mettra en valeur leurs images, et qui fera à leurs public le même effet que tel ou telle musique… Le plus important est de trouver un vocabulaire commun pour communiquer et pour ne pas arriver à une impasse. De son côté, le compositeur doit savoir si sa musique est là pour servir un propos, une image..ou pour être au premier plan.

Quelles compétences doit-on développer pour exceller dans ce métier ?

La composition de musique de film nécessite plusieurs compétences:

  • Connaître un large panel de styles musicaux aide à mettre en œuvre rapidement des idées musicales, en pratique on compose une musique originale à laquelle on applique plusieurs arrangements et orchestrations différents, et pour pas mal de scènes et de transitions on compose de petites pièces..
  • la pratique (même basique) de plusieurs instruments, idéalement: un instrument à cordes, un instrument à vent, clavier et percussion. Pour composer correctement pour un instrument il est important de connaître l’étendue de sa tessiture, les différentes sonorités qu’il produit, les différentes articulations possibles..etc. Un pianiste qui compose pour clarinette sans prendre en considération les moment d’inspiration, la gestion du souffle, pourra composer une belle pièce tout à fait injouable pour un clarinettiste..
  • Une bonne connaissance du domaine audio, des filtres, des compresseurs, des limiteurs..cette connaissance nous permet d’être indépendant pendant le processus de création, de nourrir notre créativité avec les possibilités artistiques qu’offrent ces outils, et aussi de livrer un enregistrement d’une grande qualité. Il faut garder à l’esprit qu’au final, nous livrons une matière sonore, et cette matière sonore doit être la plus claire, la plus définie et la plus précise possible.
Pour toi, est-ce indispensable de composer sur ordi ? Pourquoi ?

 Oui actuellement je compose exclusivement sur ordi. Au début je composais des chansons, la MAO n’existait pratiquement pas, et ma composition se faisait avec une guitare, un carnet et un crayon pour ne pas oublier les accords et le texte. Mais je ne pense pas que ce soit indispensable de travailler sur ordinateur, il existe des centaines d’enregistreur multi pistes qui permettent de faire des enregistrement sur disque dur et d’éditer ces enregistrements. Parmi les gros avantages de travailler sur ordi je citerai :

  • l’utilisation des instruments virtuels qui permettent de faire des démos de très grande qualité,
  • les possibilités infinies qu’offre l’édition non-destructive,
  • l’automatisation de certaines tâches
  • etc.
Avec quels DAW et quels VST travailles-tu, habituellement ? Pourquoi ceux-là ?

Mon DAW favori c’est Cubase, j’utilise la version Cubase Pro 9, il m’a accompagné depuis plusieurs années et il me permet composer tout en mixant mes musiques. Je le trouve facile d’utilisation tout en étant assez complet, et je pense aussi que c’est le séquenceur qui permet la meilleur gestion du MIDI. Il est aussi possible de sortir une partition dans la clé souhaitée, ou une grille d’accord et de l’imprimer pour n’importe quel musicien.

Pour les VST, j’en utilise plus d’une centaine. Mais si je devais n’en garder qu’un, ça sera le sampler Kontakt de Native instrument, celui ci possède une banque instrumentale assez généraliste et permet une édition en profondeur. Je l’ai aussi utilisé pour créer des instruments virtuels en samplant mes instruments acoustiques.

Peux-tu nous recommander un livre que tu as particulièrement aimé sur l’écriture musicale ?

 À vrai dire je n’ai jamais lu de livre sur l’écriture musicale, mais par contre certains compositeurs ont été de grands maîtres pour moi :

  • Keith Jarret pour l’improvisation (et ceci m’a nourri et m’a permis d’avoir une approche de la composition beaucoup plus intuitive.
  • Beethoven: ses symphonies (la 9 ème et la 5ème) m’ont beaucoup appris sur le dialogue entre les différents instruments d’une composition.
  • Rachmaninov et ses concertos pour piano
Et si je souhaite découvrir tes travaux et te contacter, c’est par où ?

Site officiel : hichamcompositeur.eu

Quelques musiques : musicscreen.org/royalty-free-music/Popular.php

Merci encore Hicham !