Introduction

Dans la vidéo précédente, nous avons vu que la portée comporte 5 lignes et 4 interlignes nous permettant ainsi représenter un total de 11 notes. Un peu plus si l’on ajoute des lignes supplémentaires. Mais il n’en a pas toujours été ainsi.

Comme pour toute autre langue vivante de notre monde, les codes de la notation musicale ont lentement évolué au fil des siècles et évoluent encore aujourd’hui. La portée n’a d’ailleurs pas toujours existé.

L’origine de la notation musicale occidentale

En effet, cette dernière est progressivement apparue dès le début du IXe siècle, alors que se constituait l’empire carolingien.

Avant cette période, la musique se transmettait traditionnellement par voie orale. On peut facilement imaginer la difficulté et le temps que cela demandait aux musiciens pour transmettre et apprendre un répertoire de musiques.

Si la voie orale était un moyen de transmission suffisant pour les troubadours et autres ménestrels ; il en était tout autrement du chant liturgique joué dans les monastères. Pour les moines, la musique revêtait une bien plus grande importance, une importance d’ordre spirituelle.

Chaque jour de l’année liturgique était marqué d’une fête particulière à laquelle correspondait un chant spécifique. Le répertoire comportait donc un très grand nombre de chants et l’apprentissage de ce corpus d’œuvres pouvait prendre jusqu’à 10 ans.

De plus, avec la naissance d’un empire chrétien sous Charlemagne, on assista à cette époque à une forte volonté de transmettre un répertoire de chants liturgiques unique. Étendu à l’ensemble de l’Occident.

Ainsi, ce besoin de répandre une liturgie uniforme à l’échelle de la chrétienté et la difficulté à mémoriser un aussi vaste répertoire, favorisèrent ensemble le développement d’astuces mnémotechniques écrites pour faciliter l’exécution du chant. En outre, vous entendez en ce moment ceci.

Il s’agit d’un chant grégorien dont le texte est surmonté d’une ligne de symboles indiquant les motifs mélodiques du phrasé à jouer.

Les neumes

Ces symboles, appelés neumes, sont en fait un ensemble d’accents et de points indiquant approximativement les variations de hauteur. Ces neumes servaient d’aide-mémoire aux chanteurs qui connaissaient déjà la partition par transmission orale.

Afin d’introduire un peu de précision, certains musiciens eurent l’idée de tracer au milieu de ces neumes une ligne horizontale figurant une hauteur fixe. Une deuxième ligne fut ensuite introduite, puis une troisième, etc.

Mais, même avec ces lignes, aucune précision n’était donnée sur la hauteur absolue du chant. Doit-on le chanter aigu ? ou plus grave ?

L’origine des noms de note

Rendez-vous compte : il n’était même pas question de se demander s’il s’agissait d’un do ou d’un ré, puisque la notion même de nom de note, constituée des syllabes ut, ré, mi, fa, sol, la, si, n’apparaitra qu’au XIe siècle, promue par le moine bénédictin italien Guido d’Arezzo.

Pour l’anecdote : Cette série de nom de note est constituée des premières syllabes de chaque demi-vers de l’Hymne à saint Jean-Baptiste, un chant religieux latin attribué au moine et érudit Paul Diacre.

Avant l’apparition de ces noms de notes, devenus de nos jours indispensables à l’interprétation, chaque monastère devait adapter les plains-chants aux capacités vocales de ses moines chanteurs.

Mais alors, comment s’assurer que ces braves moines interprètent correctement la musique ?

Pour garantir la bonne exécution des œuvres, les compositeurs du Moyen-Age développèrent des symboles : les clefs.

Les figures de clef

Les clefs sont des enluminures qui donne leur nom à la note qu’elles placent, “verrouillant” par la même la hauteur des notes sur la portée. Elles se placent au début de la portée, à gauche.

Il existe 3 figures de clefs. La clef de Sol, la clé de Fa et la clé d’Ut.

Ainsi la clé de sol place un sol, la clé de fa place un fa et la clé d’Ut place un do. (Ut étant l’ancien nom de do)

Une clef (ou clé) se dessine basiquement en partant de la note qui lui donne son nom. C’est comme ça qu’on apprend traditionnellement à les écrire.

La portée de 11 lignes

On peut aussi le représenter autrement, avec ce qu’on appelle la portée générale de onze lignes. Cette portée générale nous révèle de manière intéressante la hauteur relative entre les clefs :

Sur cette portée, il y a une chose importante à noter tout de suite : le Do de la clef d’ut est particulier… Il s’agit du fameux “Do du milieu” que l’on appelle aussi “Do de serrure” par les pianistes. C’est un peu la clef de voûte qui relie les deux portées.

Les portées de 5 lignes

De cette portée générale, on peut en déduire 7 petites portées de 5 lignes. Voici le do de serrure sur chacune de ces portées.

Ces clés ne vous seront probablement pas toutes utiles. Dans la pratique, vous ne rencontrerez presque toujours que la clé de sol 2e ligne, la clé de fa 4e ligne et la clé d’ut 3e ligne.

Mais pour le moment, simplifions tout ça et contentons-nous d’aborder la clé la plus commune : la clé de Sol 2e ligne.

La note verrouillée par notre clé de sol étant désormais connue, nous pouvons facilement déduire le nom des autres notes de la portée, puisqu’elle se succèdent toujours dans cet ordre : do ré mi fa sol la si.

Nous avons donc ici un la, ici un fa et ainsi de suite.

Il en sera bien sûr de même pour les autres clefs.

Le registre

Notez que certains instruments permettent de jouer une très grande étendue de notes. C’est notamment le cas du piano, de l’orgue, du clavecin ou de la harpe par exemples.

Cette étendue de note s’appelle le registre. Pour la voix, on utilisera plus volontiers le terme de tessiture. Nous reviendrons sur ces concepts plus en profondeur dans une prochaine vidéo.

Le registre de ces instruments est bien trop grand pour être efficacement notée sur une simple portée de 5 lignes. [montrer le registre du piano]

Le système à deux portées

Une simple portée de 5 lignes ne suffit donc pas pour écrire des partitions facilement lisibles pour ces instruments. Pour remédier à ce problème, on utilisera dans ce cas deux portées. Une portée aigüe jouée ordinairement par la main droite qui sera verrouillée par la clé de Sol. Et une portée grave jouée par la main gauche qui sera quant à elle verrouillée par la clé de Fa.

Cela s’appelle un système. Un système à deux portées comme celui-ci sera toujours signalé par cette grande accolade. Notez qu’en rajoutant une ligne supplémentaire entre ces deux portées, nous obtenons la portée théorique de 11 lignes. Cette ligne supplémentaire place ainsi le DO de serrure.